Administrateurs salariés : contrainte ou opportunité ?

Par Antoine de Roffignac

Article publié par Les Echos Le Cercle le 4 novembre 2015

Le nombre d’administrateurs salariés va être multiplié par 4 dans les deux prochaines années. Leur présence peut être une opportunité pour les Conseils d’administration.

La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a largement étendu le champ d’application de la loi de 2013 en abaissant les seuils d’effectifs de 5 000 à 1 000 salariés dans les sociétés et leurs filiales dont le siège est situé sur le territoire français, et de 10 000 à 5 000 salariés dans les sociétés et leurs filiales dont le siège est fixé sur le territoire national et à l’étranger.


La présence d’administrateurs salariés doit-elle être vue par les Conseils d’administration seulement comme une contrainte ? A quelles conditions peut-elle aussi être pour eux une opportunité ?

Lors de leur prise de fonctions, les administrateurs salariés n’ont généralement qu’une idée imprécise du rôle et du mode de fonctionnement des Conseils d’administration. Cette méconnaissance est source de préjugés et de malentendus qui peuvent nourrir des suspicions réciproques et nuire à la sérénité des travaux du Conseil.

L’expérience acquise, en particulier depuis la loi 2013, montre la nécessité de former les administrateurs salariés aux grands principes de la gouvernance, comme le prévoient d’ailleurs les textes. Il est à cet égard prioritaire d’expliciter les notions d’intérêt social et de collégialité du Conseil d’administration.

L’intérêt social dépasse la somme des intérêts particuliers

L’entreprise est une personne morale, juridiquement autonome, et son Conseil d’administration doit agir en toutes circonstances dans son intérêt social. L’intérêt de l’entreprise dépasse celui de ses parties prenantes, au premier rang desquelles figurent ses salariés.

Fort heureusement, l’intérêt général et l’intérêt direct des salariés se rejoignent souvent. Mais il peut arriver que ces intérêts divergent, par exemple lorsque la situation économique de l’entreprise conduit son Conseil d’administration à décider de réorganisations ou de cessions d’activités qui ont des conséquences sur l’emploi.

Ces situations sont toujours délicates à vivre pour l’administrateur salarié, et il devra prendre position en conscience. Sans occulter sa qualité de salarié ni restreindre l’expression d’un point de vue qui traduira sa connaissance particulière de l’entreprise, il doit considérer qu’en tant qu’administrateur, il est au service de l’intérêt de l’entreprise dans sa globalité : l’administrateur salarié n’est pas le mandataire des salariés auprès du Conseil.

Le Conseil, instance collégiale

La plupart des administrateurs salariés ont préalablement exercé des mandats au sein d’institutions représentatives du personnel, en tant que membres du Comité d’entreprise ou du CHSCT, délégués du personnel ou délégué syndicaux.

Ils étaient à ce titre dans une position de négociation qui repose sur l’établissement d’un rapport de forces et parfois sur un jeu de rôles, voire sur la confrontation. Ils avaient une pratique de communication directe auprès des salariés sur les revendications qu’ils portaient, sur le déroulement et le résultat des négociations.

Il en va tout autrement dans les Conseils d’administration. Le principe de collégialité, institué par la loi, induit un mode de fonctionnement collectif orienté vers la recherche du consensus. L’administrateur salarié devra passer d’une logique de négociation qui prévaut dans les instances représentatives du personnel à une attitude de contribution à des délibérations dont la confidentialité doit être préservée, et à des décisions par nature collégiales.

De la capacité des administrateurs salariés à bien comprendre la mission du Conseil – servir l’intérêt social de l’entreprise – et son mode de fonctionnement – la collégialité – dépendra leur crédibilité aux yeux des autres administrateurs, et donc leur pouvoir d’influence.

Alors le Conseil pourra pleinement bénéficier de l’apport des administrateurs salariés. Leur connaissance interne de l’entreprise, de son histoire, de ses rouages, de ses ressources humaines pourra éclairer et enrichir les délibérations, et permettre au Conseil de mieux identifier les leviers oules obstacles de mise en œuvre opérationnelle des décisions qu’il prend.

Par une approche différente des sujets, par l’expression de points de vue complémentaires, les administrateurs salariés pourront contribuer à la qualité des délibérations, donc à la qualité des décisions du Conseil, faisant ainsi d’une contrainte une opportunité.

Antoine de Roffignac

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