Gouverner par la confiance : un exemple à suivre

Par Antoine de Roffignac

Cet article a été publié par le journal Les Echos, rubrique Le Cercle, le 28 mai 2015

Dans une société française dominée par le manque de confiance, y compris envers l’entreprise, les Coopératives apportent une réponse intéressante. Leur modèle associe une gouvernance démocratique, une finalité unique et un fonctionnement collectif.

La défiance caractérise la société française d’aujourd’hui : défiance politique, économique, sociale. Au niveau politique, les récentes élections l’ont encore démontré, les Français doutent de la capacité de leurs gouvernants à créer les conditions d’une vie meilleure : le sentiment domine qu’une fois élus, les dirigeants oublient leurs promesses.

Les entrepreneurs manquent de confiance dans une politique économique qui, à force de chercher à concilier des objectifs contradictoires, devient incohérente : or sans confiance, pas d’investissement et donc pas de création d’emplois.

Les rapports au sein du corps social lui-même sont emprunts de méfiance : l’individualisme, le corporatisme, le communautarisme, l’intolérance n’ont jamais été aussi forts.

Or il n’y a pas de relation durable sans confiance. Sommes-nous donc condamnés à vivre dans une société éclatée, incapable de se rassembler pour relever les défis et bâtir un destin commun ? Comment renouer les fils de la confiance ?

Un type d’entreprise, souvent méconnu, apporte des éléments de réponse à ces questions : les Coopératives. Leur succès interpelle. Elles se développent dans des secteurs d’activité aussi variés que la grande distribution, le commerce spécialisé et les services, l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire, la banque et l’assurance. Et elles occupent souvent sur leur marché des positions de leader.

Les Coopératives, auxquelles peuvent être associées les Mutuelles, présentent trois caractéristiques majeures : une gouvernance démocratique, une finalité unique et un fonctionnement collectif.

Une gouvernance démocratique

La gouvernance des Coopératives repose sur le principe « un associé, une voix ». Clients, fournisseurs ou parfois salariés de leur Coopérative en même temps qu’associés, les adhérents choisissent leurs représentants en leur sein. Les élus ne font pas de l’exercice de leur mandat un métier à part entière. Ils restent eux-mêmes adhérents en même temps qu’ils sont administrateurs.

Cette double dimension est parfois délicate à mettre en œuvre, l’intérêt général de la Coopérative ne recouvrant pas toujours les intérêts particuliers de ses adhérents. Elle conduit néanmoins les gouvernants à ne jamais oublier les aspirations du terrain car ils en sont eux-mêmes issue. Ainsi la base se reconnaît pleinement dans ses représentants. La confiance n’excluant toutefois pas le contrôle, les administrateurs exercent leur fonction sous l’œil vigilant de leurs mandants auxquels ils rendent régulièrement des comptes lors d’assemblées générales ou de rencontres décentralisées, sans attendre le verdict de la prochaine élection.

Une finalité unique

Les Coopératives se concentrent sur un objectif : satisfaire les attentes de leurs adhérents à court et long termes. Cette finalité unique rend lisibles toutes leurs actions. Elles s’inscrivent dans le temps : l’horizon des élus n’est pas structuré autour d’échéances électorales ou la publication de résultats trimestriels. La cohérence et la pérennité des politiques fondent la confiance des adhérents.

Un fonctionnement collectif

Le fonctionnement des Coopératives est par essence collectif : il repose sur la mutualisation des moyens et des savoir-faire humains, matériels, financiers. Le rôle des adhérents ne se limite pas à désigner leurs représentants. Ils sont des acteurs de leur propre développement, en s’assurant en permanence de l’adéquation des politiques menées avec leurs propres intérêts, en s’impliquant dans les décisions, en interagissant entre eux, avec leurs élus et les dirigeants opérationnels au sein de conseils, commissions ou groupes de travail, dans une répartition des rôles et responsabilités qu’il est nécessaire de préalablement bien définir.

Proximité entre le terrain et ses élus, clarté et stabilité des objectifs, fonctionnement collectif : les Coopératives forment une étroite communauté d’intérêts où l’on reçoit autant que l’on donne. Elles mettent l’individu au cœur de leur modèle et la confiance au centre leur gouvernance.

Les Coopératives méritent d’être mieux connues : loin de l’image que certains en ont, elles sont porteuses d’une vraie modernité et peuvent être à tous les niveaux de la société française source d’inspiration pour renouer les fils d’une confiance qui fait aujourd’hui tant défaut.

A propos d’Antoine de Roffignac

Associé-fondateur d’Associés en Gouvernance, Antoine de Roffignac intervient régulièrement auprès de Coopératives et de Mutuelles pour les aider à renforcer l’efficacité des leurs instances d’administration tant dans leur fonctionnement propre que dans leurs relations avec les dirigeants exécutifs. Antoine de Roffignac a été administrateur et directeur général d’un groupe coopératif, leader de son marché. Il était précédemment membre du comité de direction Finance Europe d’un grand groupe multinational.

A propos d’Associés en Gouvernance

Associés en Gouvernance, société de conseil indépendante, accompagne tous les acteurs de la gouvernance des entreprises, quelles que soient leur taille et leur forme juridique. Associés en Gouvernance a acquis une longue expérience dans le secteur coopératif et mutualiste.

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