A quoi servent les comités RSE ?

A quoi servent les comités RSE ?

Par Pascal Durand-Barthez – Novembre 2021

 

La nouvelle édition du Code Middlenext, publiée en septembre 2021, comporte entre autres innovations de fond, la recommandation de constituer au sein des Conseils d’administration un comité « spécialisé en RSE » (recommandation R8). Cela donne l’occasion de s’interroger sur l’utilité d’un comité RSE : s’agit-il d’un simple artifice de communication et d’une concession à la mode politico-médiatique ?

Tout d’abord, quelle est la portée du code Middlenext ?
Paru pour la première fois en 2009, c’est-à-dire peu après que la référence à un code de gouvernement d’entreprise soit devenue obligatoire pour les sociétés cotées, il visait à donner aux « valeurs moyennes et petites » un instrument plus adapté que le code Afep-Medef. Il adopte donc sur certains sujets une attitude plus flexible, pour tenir compte notamment de ce que le capital de nombre des sociétés auxquelles il s’adresse est contrôlé, souvent par une famille, et de ce que les Conseils d’administration sont de taille plus réduite. Selon le dernier rapport disponible, 190 sociétés cotées faisaient officiellement référence au code Middlenext en 2018, mais il revendique aussi de s’adresser aux sociétés non cotées qui peuvent s’inspirer de ses « points de vigilance ». On observe qu’ici, une fois n’est pas coutume, le code Middlenext est plus prescriptif que le code Afep-Medef qui dans sa version actuelle, tout en mentionnant bien la RSE au titre des missions du conseil d’administration, en reste aux trois comités traditionnels : audit, nominations et rémunérations.Autre rappel utile : qu’est-ce exactement que la RSE, la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ?


La définition la plus simple est celle donnée en 2011 par une communication de la Commission européenne : « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ». Le terme « social » doit bien sûr s’entendre au sens large, et comprend aussi l’environnement. Cela va au-delà de la responsabilité juridique, civile et pénale, portant sur les infractions aux nombreuses prescriptions qui règlementent les deux domaines, à commencer par le Code du travail et le Code de l’environnement.

Il s’agit donc non seulement de ne pas enfreindre la loi, mais aussi d’avoir une stratégie proactive, faute de quoi l’entreprise pâtit d’un déficit d’image aux conséquences de plus en plus réelles. Tout d’abord auprès de ses propres actionnaires, des investisseurs si elle est cotée : ceux-ci suivent volens nolens dans leurs choix de prise de participations et dans leurs votes en Assemblée générale des principes et critères « ESG » (Environnement, Social et Gouvernance) avec pour première préoccupation la « durabilité » (sustainability) de l’entreprise. Ces thèmes sont d’ailleurs de plus en plus prégnants dans le dialogue avec les actionnaires, et certains grands groupes prennent les devants par exemple en inscrivant des résolutions « say on climate » à l’ordre du jour de leurs assemblées générales. Mais ces questions intéressent désormais les clients, surtout les consommateurs, et les salariés qu’on veut attirer ou retenir.

Bien sûr, la loi PACTE de 2019 a renforcé la pression en spécifiant dans le Code civil, donc pour toutes les sociétés, qu’elles doivent être gérées « en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux ». Elle a précisé quels organes de direction ou d’administration en étaient responsables dans les sociétés commerciales, et dans les sociétés anonymes ce sont soit le Conseil d’administration soit le Directoire. Il est sans doute trop tôt pour savoir si ces nouvelles exigences vont se traduire par une judiciarisation de la RSE en France, mais le jugement rendu aux Pays-Bas le

26 mai 2021 enjoignant à Royal Dutch Shell de réduire ses émissions à effet de serre est significatif d’une tendance générale.

Il n’y a donc pas de doute : les Conseils d’administration doivent se préoccuper de la RSE, ne serait-ce qu’au titre de leur mission de contrôle des risques, et sans oublier qu’elle est aussi porteuse d’opportunités stratégiques. En quoi la création d’un comité spécialisé y contribue-t-elle ? La première réponse est élémentaire : les comités, création de la soft law, sont un moyen d’améliorer le fonctionnement des Conseils et de les rendre plus performants dans leur prise de décision sur les questions les plus importantes.

On constate qu’un nombre grandissant de sociétés se dotent d’un tel comité. Encore faut-il savoir à quelles fonctions cela correspond. Il est tentant de recenser ce qu’il en est dans le CAC 40 : à coup sûr peu représentatif de l’ensemble des entreprises, cet échantillon présente cependant l’avantage de relater en grand détail le fonctionnement de ses organes de gouvernance, et il joue un peu le rôle de laboratoire des bonnes pratiques de gouvernance, progressivement suivies par les autres sociétés.

Dans leurs documents d’enregistrement universel 2020, huit sociétés du CAC 40 déclarent un comité exclusivement consacré à la RSE, sous cette dénomination. Neuf autres utilisent des terminologies voisines, mentionnant le développement durable, l’éthique, l’environnement, la conformité, « l’ESG », voire « l’engagement » chez Danone, société à mission. Tout aussi souvent (17 sociétés), la RSE est un thème confié à un comité qui a d’autres fonctions : rémunérations, nominations (parfois sous le nom « gouvernance »), innovation et surtout la stratégie (huit sociétés). Il n’en reste donc que six qui n’ont pas suivi le mouvement, preuve que sans attendre la prescription d’un code de gouvernance, les sociétés considèrent que ce comité est un instrument utile dans leur stratégie, et plus précisément dans la relation avec leurs parties prenantes.

Concrètement, de quoi ces comités sont-ils chargés ? Si l’on examine les comptes rendus d’activités des comités exclusivement consacrés à la RSE tels qu’ils apparaissent dans les rapports de gouvernement d’entreprise des sociétés du CAC 40, on constate qu’ils se réunissent deux ou trois fois par an. Leurs principaux travaux portent sur :

  • la revue des publications obligatoires de la société en matière de RSE (déclaration de performance extra-financière) ;
  • la définition et le suivi d’une stratégie ou « feuille de route » RSE, avec parfois l’indication de thématiques spécifiques : développement durable, climat, diversité, risques, etc.
  • la détermination des critères de rémunération variable extra-financiers des dirigeants (« KPI ») ;
  • la communication du groupe en matière de RSE ;
  • l’élaboration de la « raison d’être » de l’entreprise si elle se penche sur cette question ;
  • les projets philanthropiques ou sociaux du groupe.

Le premier de ces thèmes est vraiment une « figure imposée » ; les autres se trouvent de façon moins systématique, reflétant la personnalité de chacun des groupes.

L’utilité de ce comité ne fait donc pas de doute. Encore faut-il ne pas oublier cette autre recommandation du code Middlenext : « Il convient d’éviter la multiplication de comités de convenance sans portée pratique réelle. L’esprit de la gouvernance est la collégialité de la décision du Conseil et non la juxtaposition de microgroupes experts. »

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