Par Pascal Durand-Barthez – FEVRIER 2021
Les assemblées générales 2021 ressembleront fort à celles de 2020, avec le maintien des mesures d’assouplissement rendues nécessaires par la crise sanitaire, notamment la tenue des réunions à huis clos. Il n’est cependant pas souhaitable que cette dernière pratique se prolonge.
L’année 2020 a donné aux assemblées générales des sociétés une forme très inhabituelle. D’une part, l’absence de réunion physique les a empêchées d’être le moment privilégié du contact entre les associés et les dirigeants (la « démocratie actionnariale »). D’autre part, on a constaté, du moins pour les sociétés cotées, une participation plus active que les années précédentes : quorums plus élevés, votes négatifs et résolutions d’actionnaires plus nombreux.
Le plus important est que, sauf exceptions, les assemblées ont pu se tenir grâce aux mesures d’assouplissement prises par l’ordonnance du 25 mars 2020 qui a permis de repousser jusqu’au 30 septembre l’approbation des comptes (pour les exercices clos au 31 décembre 2019). Elle a aussi autorisé la convocation par voie électronique (pour les sociétés cotées) et la tenue de toutes les assemblées « à huis clos », en utilisant les moyens de visioconférence et de télécommunications là où ni la loi ni les statuts ne le permettaient, voire leur remplacement par une consultation écrite dans les sociétés où cela est autorisé par la loi (essentiellement les SAS).
En prévoyant que les statuts ne pouvaient s’y opposer, la loi a d’ailleurs introduit une exception remarquable au principe de la primauté de la volonté des associés. Par ailleurs, l’ordonnance apportait des assouplissements au fonctionnement des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction.
Mais le législateur ne pouvait prévoir que la crise sanitaire se prolongerait. La durée d’application de l’ordonnance initiale s’achevait en effet le 31 juillet 2020, date repoussée par décret au 30 novembre (sauf pour l’approbation des comptes). Il a donc fallu proroger l’état d’urgence sanitaire par une loi du 14 novembre qui autorisait le gouvernement à prolonger les mesures d’assouplissement du fonctionnement des assemblées générales et des conseils, ce qu’a fait une nouvelle ordonnance du 2 décembre 2020.
On reste dans l’exceptionnel et le provisoire : les dispositions de l’ordonnance du 25 mars sont prorogées jusqu’au 1er avril 2021, avec une extension par décret possible jusqu’au 31 juillet, soit une période de huit mois, comparable à celle de la première ordonnance. Le champ d’application des mesures générales reste aussi large que précédemment, c’est-à-dire qu’il couvre non seulement les sociétés de toutes formes, mais aussi toutes les autres « personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé » (dont les associations).
Les principales adaptations
Elles portent sur :
– l’extension à toutes les personnes morales et entités de droit privé de la possibilité de convoquer leurs assemblées par voie électronique ;
– une précision sur les conditions applicables aux assemblées à huis clos : elles ne peuvent se tenir que si les mesures restrictives en vigueur à la date de la convocation de l’assemblée ou à la date de sa réunion font effectivement et concrètement obstacle à la présence physique des membres ;
– l’obligation pour les sociétés cotées qui tiennent leurs assemblées à huis clos d’en assurer la retransmission en direct et en différé, et de publier les réponses aux questions écrites (ce qui n’était jusque-là qu’une faculté) ;
– la possibilité pour tous les « groupements de droit privé », sauf les sociétés cotées, de recourir à la consultation écrite en lieu et place d’une assemblée, même si cette faculté n’est prévue ni par la loi ni par les statuts (cela pourra rendre grand service aux associations) ;
– le vote par correspondance, là encore même pour les associations, possible quels que soient les termes des statuts et l’objet de l’assemblée (y compris l’approbation des comptes).
– la possibilité de « basculer » en distanciel une assemblée convoquée en présentiel, et vice-versa, en cas de modification des restrictions sanitaires, avec un préavis de seulement trois jours.
Le dilemme face à la crise sanitaire
Il faut s’attendre, au 1er semestre 2021, à des assemblées annuelles qui ressembleront fort à celles de 2020, avec des conséquences contrastées. Les associés, actionnaires et sociétaires participeront plus nombreux puisque les contraintes liées aux déplacements auront disparu ; mais les aspects humains seront appauvris, qu’il s’agisse du rituel des assemblées de sociétés cotées ou des échanges informels en marge des assemblées de sociétés familiales.
Dans le contexte toujours incertain de la crise sanitaire, certaines sociétés pourraient cependant se trouver face à un dilemme : convoquer en huis-clos et risquer la nullité parce que les mesures en vigueur ne sont pas assez contraignantes pour le justifier, ou convoquer en présentiel et risquer la nullité parce qu’il y a plus d’actionnaires que prévu et qu’ils ne peuvent pas tous tenir dans la salle en respectant les mesures barrière…
Que restera-t-il de tout cela ?
Certains assouplissements pourront paraître bénéfiques en toutes circonstances, au moins pour certaines sociétés, tels que les convocations par courrier électronique, les votes par correspondance, l’obligation pour les sociétés cotées de retransmettre en direct et en différé et de publier les réponses aux questions écrites.
Il n’est pas souhaitable en revanche que la principale mesure des ordonnances, la tenue des assemblées à huis clos, qui a certainement beaucoup d’avantages pratiques pour les dirigeants, s’éternise et mette fin à la pratique des assemblées physiques. Elles ont certes perdu depuis longtemps, pour les sociétés cotées, une partie de leur fonction juridique puisque la majorité des votes a lieu par correspondance, mais elles constituent un exercice de communication que ne peut pas totalement remplacer le dialogue actionnarial en dehors des assemblées.
Pour les autres sociétés, sauf peut-être pour les filiales de groupe à 100%, elles restent un outil indispensable, notamment pour structurer le dialogue avec les actionnaires minoritaires.