Loi Rixain : à la recherche des ComEx

Loi Rixain : à la recherche des ComEx

Par Pascal Durand-Barthez – Mars 2022

Satisfaire à la loi Rixain suppose une clarification par les entreprises de la notion d’instance dirigeante servant de base à la mise en place des quotas féminins requis. Et gare aux échéances dès 2023 !

La loi du 24 décembre 2021 « visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle », dite loi Rixain, apporte de nouvelles obligations déclaratives, et des obligations touchant à leur organisation interne, pour les entreprises employant plus de mille salariés.

Cette loi traduit un effort pour briser le « plafond de verre » qui semble s’opposer à ce que les femmes occupent tous les postes à responsabilités que justifieraient leurs compétences. Elle fait suite à la loi Copé-Zimmerman de 2011 qui imposait un quota de 40% du « sexe le moins représenté » dans les conseils d’administration et de surveillance.

L’application de la loi Copé-Zimmerman (qui est largement respectée, au moins dans les grandes entreprises cotées), a mis en lumière le contraste entre l’amélioration de la représentation des femmes dans les conseils et le faible nombre d’entre elles occupant des postes de dirigeantes exécutives. Un mouvement s’est donc fait jour avec insistance pour réclamer l’instauration de quotas obligatoires dans ce que les médias aiment appeler « les ComEx ».

Naturellement, cela se heurte à des obstacles pratiques. S’agissant des conseils d’administration et de surveillance, même si leur composition et leurs pouvoirs réels varient, le cadre est relativement bien défini : les administrateurs sont nommés en assemblée générale pour des mandats de plusieurs années, et leurs noms sont inscrits au registre du commerce. En revanche, rien n’oblige les directeurs généraux à s’entourer d’un comité exécutif au lieu de se contenter de relations bilatérales avec leurs principaux collaborateurs. Quand ils le font, ce qui est de plus en plus fréquent, ils composent et modifient ce comité comme ils l’entendent. Cela génère une grande variété de situations : par exemple, on notait en 2019 que les ComEx des sociétés du CAC 40 comportaient de cinq à 24 membres.

Plusieurs tentatives avant la loi Rixain

Il ne fait plus de doute que l’instauration des quotas obligatoires est la plus sûre méthode pour aboutir au résultat recherché. Mais comment définir le dénominateur sur lequel s’appuieront les pourcentages imposés ? La loi Rixain fait suite à plusieurs tentatives qui ont bien montré la difficulté. La loi dite Pénicaud 2 de 2018 n’imposait (aux grandes sociétés) que la publication d’informations « sur la manière dont la société recherche une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du comité mis en place, le cas échéant, par la direction générale en vue de l’assister régulièrement dans l’exercice de ses missions générales et sur les résultats en matière de mixité dans les 10 % de postes à plus forte responsabilité ».

Les rédacteurs du code Afep-Medef, toujours soucieux d’endiguer l’inflation législative, ont recherché dès 2018 une solution semi-contraignante au problème, selon la méthode du comply or explain : les conseils d’administration doivent s’assurer de la mise en œuvre d’une « politique de non-discrimination et de diversité notamment en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes ».

Quant à la loi Pacte de 2019, elle a traité le cas le plus facile, puisqu’il s’agit de fonctions définies précisément par la loi : les directeurs généraux délégués et le directoire ; mais il s’agit simplement de s’assurer que le processus de sélection « s’efforce de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes ».

Indicateurs et quotas

L’article 14 de la loi Rixain va beaucoup plus loin, tout en prévoyant des délais pour la mise en œuvre des nouvelles obligations. Tout d’abord, il s’agit de mesures figurant dans le Code du travail, et qui visent toutes les « entreprises » employant plus de mille salariés, quelle que soit leur forme juridique (et non les seules sociétés anonymes comme la loi Copé-Zimmerman).

Ces mesures sont de deux ordres : la publication annuelle d’un « indicateur » relatif aux écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes ; et surtout un quota minimum de 30 % de femmes en 2026 (puis de 40 % en 2029) au sein des cadres dirigeants et des instances dirigeantes.

Ces deux derniers termes ne sont pas définis de façon aussi précise l’un que l’autre.

Le « cadre dirigeant » est une notion définie depuis longtemps par le Code du travail, et donc précisée par la jurisprudence ; elle repose sur un faisceau d’indices portant sur l’autonomie en termes d’emploi du temps et de prise de décisions, et sur la rémunération.

L’identification des « instances dirigeantes » – terme repris du code Afep-Medef – est plus hasardeuse. Il faut faire un détour par le Code de commerce (quoique la loi nouvelle s’applique à des entreprises autres que des sociétés commerciales) où un article nouveau donne la définition attendue : « est considérée comme instance dirigeante toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions. »

Des choix à opérer pour l’application des quotas

Apparemment, cela ne devrait pas causer trop de difficultés aux sociétés qui communiquent périodiquement sur l’existence et la composition d’un comité exécutif ou de direction, par exemple dans le document d’enregistrement universel des sociétés cotées.

Pour beaucoup d’autres, cela va impliquer une communication qu’elles ne pratiquaient pas forcément auparavant, voire la création d’un nouvel organe fonctionnant « régulièrement ».

En outre, les sociétés qui disposent déjà de tels organes en ont souvent plusieurs : soit des comités en quelque sorte « gigognes » : par exemple un comité exécutif restreint et un comité de direction plus élargi ; ou divers comités fonctionnant régulièrement, mais consacrés à des tâches différentes.

Il faudra donc opérer des choix, afin de présenter de la façon la plus pertinente les instances dirigeantes qui serviront de base à la communication et à l’application des quotas. Or, sur ce dernier point, les sanctions administratives peuvent être lourdes : une pénalité financière fixée au maximum à 1 % de la masse salariale de l’année précédente.

Et il y a urgence, car la loi fixe des délais assez rapprochés :

  • présentation annuelle des écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes, rendus publics le 1er mars 2023 ;
  • mise en place du quota de 30% : 1er mars 2026.
  • mise en place du quota de 40% : 1er mars 2029.

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